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La paille et le sycomore

Avertissement de l'éditeur 

Prologue

Le silence du Magistère

Les apologistes de M. Couvert

E. Couvert contre les papes 

L'impossibilité intellectuelle

L'argument de prescription

Des erreurs graves

Des questions troublantes

D'où viennent tant d'erreurs ?

"Paul Sernine répond à ses lecteurs" - Ed. Zébu, 2004

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Avertissement de l'éditeur

Les éditions Servir sont heureuses d'accueillir le présent ouvrage de Paul Sernine dans leur collection « Objections ». Ce texte réalise parfaitement, en effet, la devise de cette collection : « Des livres courts sur des sujets essentiels, un engagement personnel de chaque auteur pour la sainte Église romaine. »

C'est aussi dans une parfaite liberté réciproque que nous le recevons chez nous : ni nous n'entendons enrôler l'auteur sous notre bannière, ni celui-ci ne prétend nous imposer toutes et chacune de ses affirmations.

Paul Sernine, en ce travail, a l'audace, voire l'ingénuité, de s'attaquer, pour l'analyser exhaustivement, à une redoutable question contemporaine : celle de la notion moderne de « gnose », propagée principalement par les Cahiers Barruel, et par Etienne Couvert en divers ouvrages.

Notion contemporaine, puisque nous l'avons vue naître à la fin des années 70, puis grandir, enfin prendre une importance non négligeable dans le débat des idées au sein de notre famille de pensée. Elle tend désormais à envahir les salons, les revues, les colloques.

Notion redoutable, car plusieurs de ses plus ardents défenseurs usent de méthodes de discussion où se mêlent l'injure et l'amalgame, quelquefois même le mensonge et la calomnie. Ce genre de procédés ne favorise pas, c'est un euphémisme, la sérénité du débat. Or, malheureusement, loin de s'améliorer au fil du temps, ces comportements fâcheux prennent de plus en plus d'ampleur chez de médiocres épigones d'Etienne Couvert, qui allient agressivité et ignorance obtuse.

Mais surtout, Paul Sernine s'attaque à une notion importante, capitale, car elle touche un point-clé de l'histoire des idées : celui du statut exact de l'erreur et du mal dans le déroulement de l'Histoire humaine.

Les Cahiers Barruel et Etienne Couvert, en effet, attribuent à une seule cause, à une seule forme, à un seul courant, toutes les erreurs recensées depuis la Création du monde : cause, forme ou erreur qu'ils nomment « gnose ». Paul Sernine cite à de nombreuses reprises cette phrase d'Etienne Couvert qu'il juge la plus caractéristique de sa pensée : en toute erreur, « il y a une clé... et c'est la "gnose" » (La gnose contre la foi, p. 161).

Ce que prétend Etienne Couvert c'est, répudiant toute complexité, toute diversité, réduire l'histoire des erreurs humaines à un unique complot expliquant tout, à une unique doctrine englobant tout, à un unique mot résumant tout : la « gnose universelle ».

Et, de tous ceux qui émettent des doutes ou des réserves, qui demandent des preuves et des nuances, qui apportent des faits et des documents contraires, il n'hésite pas à faire des complices de cette « gnose » protéiforme, des agents de l'Ennemi infernal.

Le propos devient si exagéré, parfois, qu'on sent poindre sous le discours apparemment antignostique une forme de dualisme : le mal semble acquérir un pouvoir, une place, une unité tout à fait comparable à celle du bien et, pour finir, à celle de Dieu lui-même.

On serait tenté de parler à ce propos de la « gnose des antignostiques », du manichéisme des prétendus antimanichéens. Cette proximité mentale de certains antignostiques avec les erreurs mêmes qu'ils prétendent dénoncer renvoie évidemment à l'apologue du Christ : « Pourquoi examines-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère... » (Mt 7, 3-5 ; Le 6, 41-42). D'où notre titre La paille et le sycomore, ce dernier arbre ayant une place centrale dans la tradition ésotérique.

Cette reductio ad unum des diverses erreurs humaines, Paul Sernine l'examine de façon précise et argumentée, en la confrontant notamment aux enseignements du Magistère de l'Église, aux écrits des théologiens et à l'histoire ecclésiastique. Tout au long de son ouvrage, il cherche obstinément et exclusivement la réponse à la question qu'il s'est posée : la notion de « gnose » proposée spécifiquement par les Cahiers Barruel et Etienne Couvert est-elle pertinente sur le plan doctrinal et historique ?

Comme le lecteur le découvrira au fur et à mesure du texte, en effet, Paul Sernine s'attache à une démonstration extrêmement méthodique, nous dirions volontiers « implacable », sans digression ni parenthèse : les anciens scolastiques, pour leur part, auraient parlé d'une démonstration particulièrement « formelle ».

Et, par ce travail minutieux et clair, il démontre sans échappatoire que cette notion moderne de « gnose » constitue en réalité un mythe, historiquement faux et intellectuellement absurde.

Le but de Paul Sernine, en cette démonstration, est double. D'une part, il ambitionne d'éliminer de façon définitive une solution essentiellement fausse donnée à des problèmes difficiles et cruciaux. D'autre part, il estime à raison qu'une telle erreur, sur des sujets si élevés, est lourde de conséquences dramatiques : car, après avoir corrompu l'intelligence, l'erreur tend de son propre poids à altérer la droiture de la volonté, donc à entraîner au péché et à la faute.

Un lecteur inattentif et partial pourrait peut-être conclure du texte de Paul Sernine que, si ce dernier critique une certaine critique de la « gnose », c'est qu'il est lui-même favorable aux « gnostiques », voire adepte de la « gnose ». Il n'en est rien, évidemment. Paul Sernine est tout l'opposé d'un « gnostique », d'un ésotériste, et n'a aucune complaisance en ce sens. D'ailleurs, s'il avait penché vers de telles erreurs, les éditions Servir n'auraient pu l'accueillir en leur sein.

Pour Paul Sernine, comme pour les éditions Servir, comme pour toute intelligence chrétienne attentive à l'histoire des idées, ces questions qui touchent au statut de l'erreur et du mal dans le déroulement de l'Histoire humaine méritent une attention toute particulière et une étude approfondie, dans un esprit pleinement catholique. Car il est nécessaire d'éclairer nos contemporains à propos des très graves dangers intellectuels et moraux qui les menacent, et pour cela d'aborder ces questions difficiles, souvent subtiles.

Et, précisément à cause de cette difficulté et subtilité, il faut remercier Paul Sernine d'avoir consacré du temps et de l'énergie à déblayer le terrain des erreurs et illusions liées à la notion moderne de « gnose ».

Mais il doit être clair que l'ouvrage de Paul Sernine, s'il est utile, n'est absolument pas suffisant sur ces questions de l'ésotérisme, de la persistance éventuelle d'une pensée de type dualiste, de la recherche contemporaine d'un salut par la connaissance, etc. D'autres études sont nécessaires pour compléter le travail bien circonscrit de Paul Sernine.

Les questions sur ces points sont nombreuses et importantes. Par exemple, existe-t-il un état d'esprit récurrent, au cours de l'Histoire, que l'on pourrait qualifier de « gnostique » en ce qu'il rechercherait un salut par la connaissance ? Existe-t-il un état d'esprit récurrent, au cours de l'Histoire, que l'on pourrait qualifier de « manichéen » en ce qu'il poserait un dualisme égalitaire entre le bien et le mal ? Quels sont les manifestations, les modes de propagation, les divers vêtements doctrinaux, les rapports réciproques que ces états d'esprit ont connus au cours de l'Histoire ? Assistons-nous à une explosion « gnostique » dont le New Age, mais peut-être aussi la « nouvelle théologie » conciliaire, seraient les manifestations les plus apparentes ?

Découlant de ces premières interrogations, se pose également la question de savoir quelle réalité accorder à l'ensemble des méchants, des ennemis de Dieu et de son Christ. Ce groupe est-il unifié, et par quel principe ? Par une unité doctrinale comparable à celle de l'Église ? Par l'action de chefs humains, les fameux « Supérieurs inconnus » des ésotéristes, se transmettant secrètement des pouvoirs spirituels par l'initiation, et tirant les ficelles d'un théâtre d'ombres où croient régner des marionnettes manipulées ? Par l'intervention directe d'entités supra-humaines dirigées par Satan lui-même ? Le terme de Contre-Église, que l'on utilise assez facilement et sans doute à bon droit, est-il réellement pertinent ? Quelles sont les limites de l'analogie (renversée) avec l'Église catholique ?

Sur un plan plus strictement historique, se pose par exemple la question de savoir quelle a été l'ampleur du rôle de la franc-maçonnerie dans la Révolution dite française. Cette influence maçonnique, incontestable et incontestée, a-t-elle été le moteur principal, sinon unique, de cette Révolution ? Ou faut-il admettre d'autres influences, d'autres causes parallèles ? Comment articuler les thèses de l'abbé Barruel sur l'action des Illuminés de Bavière avec les recherches d'un Augustin Cochin sur les mécanismes des sociétés de pensée ? Faut-il remonter plus haut encore, et voir dans cette Révolution un pur et simple châtiment des péchés commis précédemment par les rois de France, le clergé, la noblesse et tout le peuple ?

Pour résoudre ces graves, difficiles et importantes questions, et bien d'autres, il convient de travailler à la lumière du Magistère de l'Église, des philosophes, théologiens et historiens catholiques, notamment des auteurs contre-révolutionnaires qui nous ont légué sur ces sujets un corpus d'une exceptionnelle valeur.

Les éditions Servir ont déjà apporté leur contribution à cet important débat d'idées. Elles y participent, et de façon éclatante, par le présent ouvrage. Dans l'avenir, elles entendent continuer d'y participer, de diverses manières.

Nous espérons que Paul Sernine, pour sa part, après La paille et le sycomore, pourra apporter à ce débat la compétence qu'il a acquise au long de nombreuses années de travail sur ces sujets, compétence qui explique la précision et l'amplitude des analyses du présent livre.

Lorsqu'on a le bonheur, comme nous l'avons eu, d'entrer dans son impressionnante bibliothèque, et d'y contempler une profusion d'ouvrages rares sur tous les sujets de la contre-révolution, on ne peut que saluer un véritable spécialiste de ces questions. Paul Sernine a lu, la plume à la main, l'intégralité des actes des papes postrévolutionnaires, c'est-à-dire une soixantaine d'austères volumes latin-français. Il a décortiqué, analysé, approfondi des centaines d'ouvrages et de revues des meilleurs auteurs contre-révolutionnaires et antilibéraux, les Barbier, Besse, Cortès, Delassus, Drumont, Fontaine, Guéranger, Jouin, Maignen, Meinvielle, Morel, Pie, Rohrbacher, Sarda y Salvany, Veuillot, pour ne citer que des noms assez connus.

Cependant, répétons-le, si le présent livre manifeste cette compétence de l'auteur, si des allusions sont faites à la nécessité de connaître et de combattre énergiquement toutes ces erreurs pernicieuses, Paul Sernine ne s'éloigne jamais de son but : examiner la pertinence de la notion moderne de « gnose » proposée par les Cahiers Barruel et par Etienne Couvert. Qu'on ne s'attende donc pas à trouver ici un exposé exhaustif des doctrines contre-révolutionnaires, ou des analyses sur les résurgences possibles de la pensée gnostique aujourd'hui : ce n'est pas son propos.

A travers un texte strictement limité à son objet propre, cet ouvrage constitue toutefois, à notre avis, un modèle de méthodologie en matière de science catholique. La précision des références, la rigueur de l'analyse, la densité de la démonstration, la clarté de l'exposé, la profondeur de la réflexion, le respect des personnes allié à la fermeté des conclusions, la richesse des aperçus doctrinaux et des nuances de pensée, tous ces éléments que le lecteur va découvrir dans un instant offrent, sans aucun doute, un modèle pour tous les chercheurs en ces matières difficiles.

En ce sens, l'ouvrage apporte plus que ses conclusions obvies : c'est ce qui nous a semblé particulièrement séduisant à la première lecture, c'est l'un des motifs de notre engagement d'éditeur.

Il reste maintenant au lecteur à entrer dans le vif du sujet, et à se laisser prendre par un texte vif, tonique, à la fois enlevé par le style et profond par l'analyse. Qu'il le sache à l'avance : plusieurs de ses préjugés, de ses idées préconçues, risquent d'être dynamités par cette lecture. Mais il n'aura qu'à s'en réjouir, puisqu'il s'agit d'entrer plus avant dans la vérité qui, seule, peut nous rendre libres (Jn 8, 32).

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