Le père Thonnard, dans son Précis de philosophie, traitant
de la philosophie des sciences et arrivant à l'histoire, décrit ainsi
l'instrument de preuve intitulé « argument du silence » :
« L'argument du silence, dit-il, est cette forme de
raisonnement par lequel on infère, de ce qu'un fait n'est mentionné dans aucun
témoignage, qu'il n'a pas existé. Pris dans sa généralité, cet argument n'a
évidemment aucune valeur, car il suppose que tous les événements sont notés
et que nous possédons tous les témoignages relatifs à un fait, ce qui n'est
pas vrai. Mais par rapport à un auteur particulier, il peut être probant à
trois conditions : s'il est évident que l'auteur pouvait connaître
facilement ce fait ; qu'il devait en faire mention dans son récit,
étant donné son but ; qu'il n'en a été empêché par aucune cause. En
ce cas, l'écrivain est assimilé en quelque sorte à une cause nécessaire, qui
produit automatiquement son effet : si l'effet n'est pas présent, c'est
que la cause n'existe pas » (F. J. Thonnard, Précis de philosophie, Desclée,
1950, pp. 169-170).
Monsieur Couvert a d'ailleurs lui-même fait allusion au
caractère probant de l'argument du silence en histoire, dans une lettre
polémique adressée au frère Bruno Bonnet-Eymard : « Le nom des
Esséniens n'apparaît nulle part, ni dans l'Ancien Testament, ni dans le
Nouveau. Voilà qui "fait problème". Il faudra expliquer
adéquatement ce silence total de toute la tradition juive et chrétienne.
J'attends toujours cette explication... » (La gnose en question, pp.
119-120).
Appliquons cette description au Magistère catholique en ce
qui concerne la « gnose » proposée par les Cahiers Barruel. Il est
clair que le Magistère pouvait facilement connaître l'existence de
cette « gnose », étant donné que trois laïcs sans culture particulière ont
pu sans difficulté la découvrir. Il est clair que le Magistère devait en
faire mention, son but étant de dénoncer l'erreur afin d'en prémunir les
âmes. Il est clair que le Magistère n’en a pas été empêché, sauf
à dire que sur des centaines d'années, des dizaines de papes différents,
parfois personnellement opposés, en tout cas dissemblables de formation, de
tempérament, de conception, ont subi un même et unique empêchement sur une
matière aussi grave, ce qui est ridicule. En conséquence, si le Magistère ne
parle pas de cette « gnose », cela signifie qu'à ses yeux elle n'existe pas.