Pour soutenir son affirmation que les papes parleraient de la
« gnose » sans toutefois la nommer de ce nom, le Sel de la terre affirme
que le terme « gnose » est peu employé par les papes (en réalité, pas du
tout), parce que « les erreurs condamnées portent le nom sous lequel elles
sont désignées, or rarement les gnostiques s'appellent eux-mêmes
gnostiques ».
Cet argument est purement et simplement faux. En fait, il
n'est pas rare que les papes choisissent eux-mêmes les noms qu'ils accolent aux
erreurs. Par exemple, ils appellent ordinairement « novateurs du XVIe
siècle » ceux qui s'appellent eux-mêmes et que nous nommons « réformés »
ou « protestants ». Ils parlent du « droit nouveau », là où
l'histoire parle des « Philosophes » ou des « Lumières ». Léon XIII
est en pratique l'inventeur du mot « américanisme ». Saint Pie X est en
pratique l'inventeur du mot « modernisme », etc. Si les papes avaient voulu
qualifier des erreurs ou groupes d'erreurs du terme de « gnose », ils
l'auraient fait sans difficulté. S'ils ne l'ont pas fait, c'est qu'ils ne le
voulaient pas, tout simplement parce qu'à leurs yeux la « gnose universelle »
n'existait pas.
Voulant renforcer son argumentation, le Sel de la terre se
laisse emporter par l'enthousiasme et en arrive à remplacer la science par la
prophétie, l'évidence par l'imagination. La revue écrit ainsi sans
barguigner : « La gnose progresse avec le temps, à mesure qu'on se
rapproche de l'Antéchrist. Il est donc vraisemblable que, au fur et à mesure
qu'elle se manifestera davantage, elle sera condamnée par l'Église. »
La preuve de la condamnation de la « gnose » par le
Magistère se situerait donc dans un futur nébuleux, créé de toutes pièces
par le Sel de la terre. Nous sortons là du domaine du sérieux.
N'ayant, pour notre part, aucun des talents pythiques du Sel
de la terre, nous nous contenterons de répéter modestement : dans les
faits, les papes n'ont jamais parlé jusqu'ici de la « gnose », et cela tout
simplement parce que la « gnose » n'existe pas.