Les tenants de deux doctrines apparentées peuvent avoir un
lien personnel : par exemple, lien entre un maître et son disciple, comme
Aristote élève de Platon.
Les tenants de ces deux doctrines peuvent avoir un lien
purement intellectuel : par exemple, un homme devient disciple d'un autre
par la seule lecture de l'œuvre de ce prédécesseur, sans le connaître
personnellement, comme Kant « sortant de son sommeil dogmatique » grâce à la
lecture de Hume.
Les tenants de ces deux doctrines peuvent enfin n'avoir ni
lien personnel ni lien intellectuel, mais le second peut tout simplement
redécouvrir par lui-même une position intellectuelle déjà tenue par un
prédécesseur, en un autre moment ou en un autre lieu. Les choix intellectuels,
en effet, ne sont pas illimités : il existe des points de passage
obligés, ce qu'Etienne Gilson appelait joli ment les « inévitabilités
philosophiques ». Il est donc naturel de retrouver dans des théories,
même différentes et sans liens historiques, des affirmations semblables. Par
exemple, les positions possibles en matière de philosophie de la connaissance
ne sont pas en nombre infini. Soit la connaissance vient de l'intérieur
(innéisme), soit elle provient de l'extérieur : les esprits oscillent
forcément entre ces deux positions. Par exemple encore, en matière de
métaphysique, soit le mouvement existe seul (Héraclite), soit l'être existe
seul (Parménide), soit l'être et le mouvement peuvent coexister
(Aristote) : les esprits oscillent forcément entre ces trois positions.
Etc.