La foi étant essentiellement une tradition, une transmission
du dépôt révélé, toute nouveauté dans l'Église est a priori suspecte
et doit, pour être acceptée, démontrer sa conformité réelle avec la
tradition malgré certaines apparences contraires. Tout « novateur »
(apparent), pour être approuvé dans l'Eglise, doit donc appuyer ses dires sur
ceux des « auteurs approuvés » (théologiens, canonistes, moralistes,
historiens, prédicateurs, etc.) traditionnellement reçus dans l'Église. Toute
nouveauté (apparente) doit ainsi bénéficier d'une « prescription »,
c'est-à-dire d'une existence antérieure prolongée (fût-ce sous des mots un
peu différents).
Bossuet a résumé cet « argument de prescription » en une
formule admirable : « Ce qui n'était pas hier est réputé dans l'Église
comme ce qui n'a jamais été. (...) Ce qui commence par quelque date que ce
soit, ne fait point race, ne fait point famille, ne fait point tige dans
l'Église » (Première instruction pastorale sur les promesses de l'Église,
XXVI).
Avec raison, les membres de la Congrégation pour la Doctrine
de la Foi ont opposé cet « argument de prescription » à Mgr Lefebvre lors de
leur interrogatoire des 11 et 12 janvier 1979 : « Quels sont les "auctores
probati" qui partagent votre interprétation des canons susdits ?
» (« Mgr Lefebvre et le Saint-Office », Itinéraires 233, mai 1979, p.
150).
Nous disons que les « interrogateurs » ont posé cette
question « avec raison » car, dans l'Église, on ne peut agir d'une façon
(apparemment) nouvelle que dans le droit fil de la tradition, c'est-à-dire en
bénéficiant des lumières des « auteurs approuvés ». Évidemment, la
situation exceptionnelle de l'Église en ce temps de crise tout à fait
imprévue explique que Mgr Lefebvre n'ait pu se référer que de façon « très
large », ainsi qu'il le dit, à ces auteurs.