Le contexte général du livre, exposé plus haut, nous aide
à comprendre la pensée de l'abbé Barbier. Mais le contexte plus immédiat de
la citation proposée par le dossier de Lecture et Tradition manifeste
également la distance qui sépare les propos de l'abbé Barbier de la thèse
spécifique des Cahiers Barruel et de Monsieur Couvert.
Le dossier de Lecture et Tradition prétend, tout
d'abord, que le texte cité « termine l'introduction du livre de l'abbé
Barbier » (p. 40). Cela donne l'impression que l'abbé Barbier, après une
étude théorique et doctrinale de la question (comme l'est souvent une
introduction), clôt le problème par cette citation.
Or, cette impression est illusoire, tout simplement parce que
l'affirmation du dossier de Lecture et Tradition est absolument fausse.
On en vient à se demander si les auteurs du dossier ont seulement vu un jour,
de leurs yeux, le livre de l'abbé Barbier.
Loin de « terminer l'introduction », la citation se situe
au début du deuxième sous-chapitre du premier/ chapitre de la deuxième
partie. Ou, pour le dire un peu plus simplement : la citation se situe p.
77 d'un ouvrage qui comporte 254 pages, soit à la fin du premier tiers, ce qui
n'a jamais été la place d'une introduction. De plus l'ouvrage, extrait de la
revue La Critique du libéralisme, ne comprend aucune introduction. Comme
aimait à le dire un de mes professeurs, « à part ça, tout est vrai ».
Dans les deux pages précédant la citation, l'abbé Barbier
parle de la gnose exclusivement au passé (il utilise le passé simple et
l'imparfait) : « La lutte contre la gnose fut le grand effort doctrinal de
l'Église au second siècle. Le gnosticisme représentait un double effort de la
pensée philosophique et de la pensée religieuse. (...) Les écrits gnostiques
ayant pour la plupart disparu, il est difficile de savoir ce qu'ont été au
juste les systèmes gnostiques (...). La gnose constitua certainement pour
l'Église un péril considérable. (...) On le vit bien à la vogue qu'obtint le
gnosticisme, aux efforts que sa défaite nécessita de la part des
controversistes, et au soin que mit l'Église à anéantir, autant qu'elle le
put, son souvenir et sa littérature » (Les infiltrations maçonniques dans
l'Église, pp. 75-77).
En reliant les sectes occultes et la franc-maçonnerie au
gnosticisme (à un gnosticisme, précise-t-il p. 107, « très adultéré »),
l'abbé Barbier parle, non d'une stricte continuité historique, mais d'une
simple « inévitabilité intellectuelle » : les sectes occultes ont
retrouvé certains éléments doctrinaux du gnosticisme (parce que les positions
intellectuelles possibles ne sont pas en nombre illimité), et ont sur ce motif
prétendu être les héritières de la gnose historique. La citation relevée
par le dossier de Lecture et Tradition est d'ailleurs claire sur ce
point : il s'agit « d'une adaptation plus ou moins grossière des erreurs
gnostiques adaptées à l'état contemporain de la science religieuse et profane
» (p. 77).