Dans cet ouvrage, Monsieur Jean Vaquié recopie des critiques
assez vives que fait Monsieur Borella sur ce qu'il appelle « l'hyper-thomisme
de l'entre-deux-guerres », auquel il reproche « d'avoir rationalisé le
raisonnement théologique et d'avoir sous-estime la théologie mystique et le
symbolisme traditionnel » (EMEC, seconde publication, p. 66).
Monsieur Vaquié prend à son compte ces critiques, affirmant
que Monsieur Borella fait ces reproches « à juste titre ». Il s'agit
donc bien d'une adhésion explicite de sa part. Tout le passage est d'ailleurs
une approbation de Monsieur Borella par Monsieur Vaquié, comme l'indique le
titre : « Éléments de catholicisme authentique ».
Or, ces critiques de Monsieur Vaquié (à la suite de
Monsieur Borella) contre ces « hyper-thomistes » (lisons : ces thomistes
tout court) sont purement et simplement fausses. Pour le montrer, nous avons
choisi cinq représentants de premier plan de ce courant.
Prenons d'abord le plus célèbre d'entre eux, Jacques
Maritain (1882-1973), dans son livre le plus fameux et le plus classique, Les
degrés du savoir. Sur les 900 pages de l'ouvrage, plus de 400 sont
consacrées à la mystique, à la sagesse augustinienne et à l'œuvre de saint
Jean de la Croix. Par ailleurs, Maritain a écrit Liturgie et contemplation,
La pensée de saint Paul, De la vie d'oraison, L'expérience mystique naturelle
et le vide, et bien d'autres études éparpillées dans ses ouvrages.
Le père Ambroise Gardeil (1869-1931), régent des études au
couvent dominicain du Saulchoir, nous propose Les dons du Saint-Esprit dans les
saints dominicains, La structure de l'âme et l'expérience mystique, Le sens du
Christ, Le Saint-Esprit dans la vie chrétienne, La vraie vie chrétienne.
Le père Edouard Hugon (1867-1929), professeur à l'Angelicum
de Rome, a écrit Le mérite dans la vie spirituelle, Les sacrements dans la vie
spirituelle, La Mère de grâce, Le mystère de la sainte Trinité, Le mystère
de l'Incarnation, Le mystère de la Rédemption, La sainte Eucharistie.
Etienne Gilson (1884-1978), professeur au Collège de France,
a laissé Introduction à l'étude de saint Augustin, Théologie et histoire de
la spiritualité, La théologie mystique de saint Bernard.
Enfin, comment citer toutes les œuvres spirituelles du père
Réginald Garrigou-Lagrange (1877-1964) qui, à l'Angelicum de Rome, cumulait
l'enseignement de la philosophie, de la théologie et de la mystique ? Qui
peut ignorer ces ouvrages magistraux que sont Les trois âges de la vie
intérieure, Perfection chrétienne et contemplation, L'amour de Dieu et la
croix de Jésus, L'éternelle vie et la profondeur de l'âme, La seconde
conversion et les trois voies, L'union du prêtre au Christ prêtre et victime,
La Mère du Sauveur et notre vie intérieure, Le Sauveur et son amour pour
nous ?
Il serait difficile de trouver plus « thomistes » que ces
auteurs, en même temps qu'hommes plus préoccupés de la vie intérieure et de
la mystique. Certains ont sans doute commis des erreurs, par exemple en
politique en ce qui concerne Maritain. Mais c'est une pure calomnie, ou le signe
d'une absolue ignorance de la question, de les accuser d'avoir « rationalisé
le raisonnement théologique et sous-estime la théologie mystique et le
symbolisme traditionnel ».