Depuis 1958, mort du pape Pie XII, l'Église catholique est
entrée dans la plus formidable crise (doctrinale, liturgique, sacerdotale,
etc.) de toute son histoire. Le concile Vatican II en a été la cause, le
détonateur ou le prétexte, selon les cas. Aujourd'hui encore, cette crise
dramatique perdure et produit chaque jour des fruits de mort spirituelle pour
des millions d'âmes.
Face à cette crise multiforme, un évêque s'est levé,
s'est dressé, et souvent bien seul. Il a d'abord lutté de toutes ses forces au
concile Vatican II, pour éviter les graves déviations qui surgissaient. Il a
ensuite, par ses conférences et ses écrits, dénoncé le mal et encouragé les
résistants à ce mal. Il a enfin, en 1970, fondé une congrégation, la
Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, devenue incontestablement le fer de lance
de la résistance à la révolution conciliaire.
L'œuvre de Mgr Marcel Lefebvre, puisqu'il s'agit de lui,
s'est propagée miraculeusement dans le monde entier et, très vite, a
inquiété les révolutionnaires ecclésiastiques. En 1973, ceux-ci l'ont
qualifiée de « sauvage », alors qu'elle possédait toutes les autorisations
requises. En 1974, ils ont suscité contre elle une visite canonique hostile. En
1975, ils ont prétendu supprimer cette œuvre. En 1976, ils ont prétendu
frapper de suspense a divinis son fondateur. En 1988, enfin, ils ont
prétendu frapper de l'excommunication ce même fondateur, et subrepticement ses
prêtres ainsi que les fidèles qui recouraient à eux.
Par ses séminaires, ses prieurés, ses chapelles, ses
écoles, ses revues, la Fraternité Saint-Pie X (sous l'impulsion de son
fondateur) s'est trouvée la principale force d'opposition à la subversion et
à la révolution dans l'Église. Qui ignore, dans le monde entier, que, depuis
1970, cette Fraternité lutte sans discontinuer contre la désastreuse réforme
liturgique, contre le faux œcuménisme, contre le prétendu dialogue
interreligieux, contre la fallacieuse collégialité, contre la ruine des
catéchismes, contre l'altération de l'Écriture sainte, contre la destruction
du sacerdoce catholique, de la vie religieuse, de la sainteté du mariage ?
En 1986, par exemple, Mgr Lefebvre s'éleva presque seul, et
avec quelle vigueur, contre l'inimaginable scandale de la réunion d'Assise,
d'esprit typiquement maçonnique et syncrétiste. Et tous savent que, sans
l'obstination de la Fraternité Saint-Pie X (et des œuvres qui se reconnaissent
dans son combat), la timide libéralisation de la messe traditionnelle, en 1984
puis en 1988, n'aurait jamais eu lieu.
Les Cahiers Barruel se sont fondés en 1978, vingt ans
après le début de cette crise. Ils se consacraient à des « études et
recherches sur la pénétration et le développement de la Révolution dans le
christianisme ». Ils ont cessé de paraître en 1994, après vingt-sept
numéros, mais Monsieur Couvert les a prolongés par ses cinq ouvrages et ses
nombreux articles.
Or, en quinze ans, pas une seule fois cette revue n'a cité
le nom de Mgr Lefebvre, pas une seule fois cette revue n'a fait état de la
résistance héroïque qu'il menait contre la plus formidable irruption de la
Révolution que l'Église ait connue en son sein.
Même en 1991, même lorsque les revues de gauche, les revues
progressistes, les revues maçonniques signalaient au moins la disparition du
grand archevêque, les Cahiers Barruel se sont tus. En quinze ans
d'étude de la « pénétration de la Révolution dans le christianisme », les Cahiers
Barruel n'ont aperçu ni la vie, ni l'œuvre, ni la mort de Mgr Lefebvre.
Quant à Monsieur Couvert, s'il a parlé à deux reprises de
Mgr Lefebvre, c'est sans faire aucune allusion à son œuvre de résistance à
la Révolution dans l'Église. Dans La gnose universelle, parue en 1993,
Monsieur Couvert cite page 145 une lettre datée... du temps où Mgr Lefebvre
était encore Supérieur général des Pères du Saint-Esprit, donc d'avant
1968. Dans Lecture et Tradition d'avril 2001, p. 15 (et La gnose en
question, p. 156), Monsieur Couvert cite encore Mgr Lefebvre... pour lui
reprocher de n'avoir pas fait « dans ses discours ni dans ses écrits cette
mise en garde qu'il aurait dû faire contre la gnose ».
Que l'école des Cahiers Barruel, qui étudiait les
infiltrations ennemies dans l'Église et voulait s'opposer à la destruction de
la foi, n'ait jamais rien dit de celui qui fut le plus efficace résistant à
l'autodestruction de l'Église au XXe siècle, cela reste pour nous
un insondable mystère.