Pour les catholiques antilibéraux ou « traditionalistes »
(que leurs ennemis qualifient de « papistes », « d'ultramontains » ou «
d'intégristes ») que nous prétendons être, la source première de la saine
doctrine, sur les plans théologique, moral, spirituel, mais aussi historique,
social, politique, se trouve dans l'enseignement des papes (des papes vraiment
catholiques, donc antéconciliaires, évidemment), notamment de la grande
lignée des papes contre-révolutionnaires, de Pie VI à Pie XII, surtout
lorsque ceux-ci manifestent une continuité et une insistance particulières sur
un point.
Dans ses ouvrages, Monsieur Couvert a accusé Dante d'être
« gnostique » et anticatholique. Nous lui avons opposé l'enseignement de sept
papes successifs (du bienheureux Pie IX à Pie XII, avec en prime le suspect
Paul VI), affirmant au contraire que Dante est un grand génie catholique et un
modèle d'orthodoxie. Pour un antilibéral, Roma locuta est, causa finita.
Même sans se déclarer explicitement « antilibéral »,
tout catholique a le devoir de se soumettre au Magistère pontifical, non
seulement en ce qui regarde les déclarations ex cathedra, mais même
pour l'enseignement ordinaire et quotidien. Pie XII l'a clairement rappelé en
1950 dans l'encyclique Humani generis. Citons-en quelques extraits :
« Les amateurs de nouveautés en viennent facilement à négliger ou à
regarder de haut le Magistère de l'Église lui-même (...). Il ne faut pas
estimer non plus que ce qui est proposé dans les encycliques ne demande pas de
soi l'assentiment, les papes n'y exerçant pas le pouvoir suprême de leur
Magistère. Cet enseignement est celui du Magistère ordinaire auquel s'applique
aussi la parole : "Qui vous écoute, m'écoute". (...) Si les
souverains pontifes portent expressément dans leurs actes un jugement sur une
matière jusqu'alors controversée, il est évident pour tous que cette matière
cesse par là-même, suivant la pensée et la volonté de ces mêmes pontifes,
d'appartenir au domaine des questions librement discutées. »
Enfin, du simple point de vue du bon sens, il semble normal
de créditer les souverains pontifes d'une autorité supérieure à celle de
Monsieur Couvert pour juger de l’orthodoxie d'un écrivain.
Or, à notre grande surprise, placé devant ces textes des
papes, Monsieur Couvert a ressorti les arguments des libéraux et des
modernistes pour échapper à la force contraignante des enseignements
pontificaux.
Voici son texte : « Je n'ai pas l'habitude d'aller
consulter les discours des papes pour y trouver des documents authentiques ou
des preuves historiques. Les textes des papes cités ici sont en contradiction
manifeste avec la vérité historique. En particulier, les propos de Benoît XV
sont bien incohérents. Il s'agit de discours de circonstance, prononcés à
l'occasion d'anniversaires ou de pèlerinages, dans lesquels le pape se contente
de lire des textes tout écrits par les rédacteurs des services du Vatican. Ils
n'ont pas la possibilité d'aller vérifier personnellement les assertions qui y
sont contenues. Je ne mets pas en cause leur bonne foi, mais certainement
l'honnêteté des rédacteurs. Ces discours n'ont aucun caractère dogmatique,
ils ne jouissent pas de l'infaillibilité définie par Vatican I. Je garde donc
toute ma liberté de jugement à leur égard et je refuse énergiquement l'usage
abusif qui est fait ici de l'argument d'autorité, le plus faible au regard de
la droite raison » (Lecture et Tradition, avril 2001, p. 18 ; La
gnose en question, p. 160-161).
Ce qui n'est pas moins troublant, c'est que dans son jugement
sur Dante, en s'opposant d'un côté à l'enseignement constant des papes,
Monsieur Couvert rejoint d'un autre côté les enseignements des ésotéristes,
lesquels prétendent annexer l'auteur de la Divine Comédie : c'est
le cas notamment de René Guenon, auteur de L'ésotérisme de Dante.
Nous avouons sans ambages notre profonde perplexité à ce
sujet, ne comprenant pas comment Monsieur Couvert peut concilier sa volonté
d'orthodoxie avec une opposition frontale à l'enseignement constant des papes,
et comment, au contraire, sa convergence avec les enseignements des
ésotéristes ne le trouble pas.